Assurance auto : durcissement sans précédent des conditions d’indemnisation !

LES REMBOURSEMENTS, MÊME DE PETITS MONTANTS, SE FONT AUJOURD’HUI AVEC PLUSIEURS NIVEAUX DE VÉRIFICATION. PAR CONSÉQUENT, LES DÉLAIS S’ALLONGENT DE MANIÈRE REMARQUABLE N LES DOSSIERS DES CENTRES D’INDEMNISATION RAPIDE SONT PASSÉS AU PEIGNE FIN ! LA HAUSSE DE LA SINISTRALITÉ SERAIT DUE À LA FRAUDE INSTITUTIONNELLE PLUTÔT QU’À UNE FRAUDE COMPORTEMENTALE.

Les assureurs ne veulent plus mordre à l’hameçon ! Annoncée fin 2018, la lutte anti-fraude, dont le dispositif vient d’être déployé dans le secteur, a commencé sans trop de préalables ! Des clients de grandes compagnies d’assurance et plusieurs courtiers rapportent que les circuits et conditions d’indemnisation ont été durcis et entourés de plusieurs niveaux de vérification. «Les remboursements dans le cadre de procédures normales se font aujourd’hui avec beaucoup de précaution et en recoupant les expertises et les documents de différents intervenants. Depuis avril, les délais s’allongent de manière remarquable», informe un agent assureur. Il s’agit de démarches tout à fait légitimes, selon le terme d’un directeur technique d’un assureur, de la part des opérateurs du secteur pour perfectionner le schéma de lutte contre les fausses déclarations de sinistres et le rendre plus ciblé et efficace. Les délais de remboursement observés dans la branche se sont allongés de 10 à 15 jours, selon les estimations recoupées des clients et des professionnels.

Dans les centres d’indemnisation rapide (qui remboursent les assurés dans des délais de 12 à 48h en moyenne), le verrouillage du process est plus visible. Pensés à la base pour fluidifier la procédure d’indemnisation et rembourser sur des délais de quelques heures, les check-points auto ont été identifiés en tant que sources parmi d’autres à l’origine de la montée en flèche de la sinistralité. Partant de ce constat, les dossiers qui atterrissent chez les centres express sont aujourd’hui «tous incriminés de fraude jusqu’à preuve du contraire», schématise un jeune expert qui travaille pour le compte d’une compagnie de la place. De plus, pour décourager l’afflux des clients au niveau de ces centres, la majorité des compagnies ont limité la possibilité de se faire rembourser auprès de ces structures au premier sinistre dans l’année. Le deuxième est passible d’un doublement de la franchise (équivalent de 5000 DH en moyenne). «Ce qui rend la démarche peu intéressante, notamment pour les assurés n’ayant pas de gros dégâts. Ces derniers vont devoir débourser plus que le montant encaissé de la compagnie d’assurance», explique le directeur exécutif des sinistres d’une compagnie.

Auprès des clients, ce durcissement des conditions est très critiqué. Depuis le début de l’année, les assurés de plusieurs compagnies vivent mal leur expérience d’indemnisation en raison de la multiplication des contrôles et des missions d’inspection décrétées de manière quasi systématique. Ce qui engendre des périodes d’immobilisation très allongées de leurs véhicules. Ceci est plus interpellant quand on sait que le contrat d’assistance annexe à la police d’assurance prévoit la mise à disposition d’un véhicule de remplacement pour une durée maximale de 5 jours pour la majorité des assurés.

Dans le secteur, les experts expliquent que la gronde des clients se comprend. En effet, à leur avis, quand la fraude explose subitement, il y a de fortes chances qu’elle soit institutionnelle, c’est-à-dire qu’elle provient de réseaux organisés souvent par des mandataires de l’assureur (intermédiaires, réparateurs, experts, médecins, assurés, etc.). Elle prend le plus souvent la forme de faux dossiers montés en intégralité. Ce type est à distinguer de la fraude comportementale émanant de l’assuré qui cherche à faire supporter à l’assureur en totalité ou en partie un sinistre qui n’est pas dû (souscription d’une assurance après survenance du sinistre, utilisation d’un événement pour se faire indemniser sur d’autres, etc.). «Ce genre de fraude n’augmente pas d’un seul coup et prend du temps pour être décelé dans la masse», explique un agent.

Pour rappel, depuis le début de l’année, l’arsenal de traque aux fausses déclarations de sinistres a été revu en profondeur. Les opérateurs ont mis en place un extranet au niveau du marché que les gestionnaires des compagnies peuvent consulter afin de détecter les cas éventuels de fraude. «Il s’agit d’une sorte de centrale des sinistres dont le but est de rendre efficaces les efforts de ciblage des déclarations présentant des doutes quant à leur bien-fondé», explique-t-on dans le secteur. En parallèle, «un dispositif de détection de la multi-assurance, pour que l’intermédiaire puisse être informé au moment de la souscription d’une nouvelle couverture d’assurance automobile, a été rendu opérationnel», informe un courtier. A cela s’ajoutent les contrôles exigés dans le cadre de la convention CID qui a été mise à jour le 1er janvier, pour prendre en compte l’abandon des recours forfaitaires, et intégrer désormais des ajustements visant à mieux gérer les expertises contradictoires.

Tout cela semble, selon les experts, insuffisant face aux enjeux actuels de la branche! Pour eux, les assureurs sont obligés de mettre en place un pilotage technique des résultats, en instaurant des dispositifs qui contrôlent les prestataires (une liste noire des prestataires fraudeurs, base commune des coûts de la main-d’œuvre et des prix de pièces de rechange, etc.) et de surveillance du portefeuille (analyse des coûts moyens et de la fréquence). Aussi, les compagnies doivent-elles revoir leur processus. Elles ont du retard dans la mise en place de processus garantissant la qualité, la pertinence et l’exhaustivité des données qui leur permettent de gérer de manière exacte et proactive le risque.

31 Oct, 2019 – LVE

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