Assurance auto : les compagnies ne toucheront plus à la franchise « dommages au véhicule »

Après avoir décidé de manière concertée d’augmenter la franchise de la garantie « dommage au véhicule », les assureurs ont finalement fait marche arrière selon plusieurs sources de la profession. Accusées d’entente anticoncurrentielle, les opérateurs du secteur tuent ainsi dans l’œuf une polémique qui a commencé déjà à faire beaucoup de bruit.
Assurance auto : les compagnies ne toucheront plus à la franchise

Le 26 août, les compagnies d’assurance adressent des notes circulaires à leurs agents pour les informer d’un changement de règle dans le calcul de la franchise de la garantie « dommage au véhicule », appelée aussi « Garantie dommage tous accidents » ou « Garantie Tierce ». Calculée jusque-là sur la base de la valeur des dommages, la nouvelle mesure instaure une nouvelle règle : la franchise sera désormais calculée sur la base de la valeur à neuf du véhicule.

Exemple : une voiture assurée « tous risques » subit un dégât évalué à 30.000 dirhams. La franchise était en principe calculée sur la base des 30.000 dirhams, avec un pourcentage qui varie selon les compagnies. S’il est de 10% par exemple, l’assuré assume 3.000 dirhams, et la compagnie couvre le reste.

Un changement de calcul qui allait alourdir la facture des assurés

Avec la nouvelle méthode de calcul communiquée à leurs réseaux de distributeurs, tout change. En cas de dommage, l’assureur prend comme base de calcul la valeur à neuf du véhicule. Si l’assuré a acheté son véhicule à 400 000 DH par exemple, la franchise sera de 40.000 DH, le taux de 10% étant supposé inchangé.

Ce changement de calcul lèse donc de manière directe l’assuré qui devra dans la majorité des cas supporter seul les frais de réparation du véhicule. Et dans les cas coûteux, les compagnies n’en supporteront qu’une toute petite partie. Ce qui rend cette couverture complètement inutile. Une démarche justifiée par les compagnies par « l’augmentation injustifiée » de la sinistralité automobile ces dernières années et « la multiplication des fraudes à l’assurance ».

« C’est la dégradation structurelle de la sinistralité des garanties annexes qui a conduit l’ensemble du marché à adopter cette mesure dans l’objectif de contribuer au redressement technique de la branche automobile », écrit par exemple une compagnie dans sa note circulaire.

« Cette décision est prise par toutes les compagnies qui l’appliqueront toutes de la même façon et au moment», précise la même note.

Cette nouvelle mesure devait prendre effet comme l’attestent les notes adressées par l’ensemble de compagnies à leurs agents à partir du 1er septembre pour les nouvelles souscriptions et à partir du 1er octobre pour les renouvellements de contrats. Elle concerne aussi bien les contrats individuels (mono) que les conventions pour véhicules à usage touristique ou utilitaire.

Accusations d’ententes anticoncurrentielles

Premiers à réagir contre cette décision : les agents d’assurances, qui sont au front-office avec la clientèle. Par le biais de l’association des intermédiaires et entrepreneurs en assurances, ils ont dénoncé dans un communiqué publié il y a trois jours sur leur page facebook ce qu’ils qualifient de « scandale » et de « complot » contre les consommateurs. Pointant l’impact sur les droits des assurés, les intermédiaires estiment que cette décision est « illégale » et constitue un affront direct au droit de la concurrence et au principe de la liberté des prix.

Dans une vidéo diffusée sur la même page, le responsable de la communication et des affaires juridiques de l’association parle « d’entente anticoncurrentielle » et demande au Conseil de la concurrence de s’autosaisir du dossier. « Nous n’avons pas besoin d’enquête pour prouver l’entente. La décision a été communiquée en même temps et dans les mêmes termes par l’ensemble des compagnies d’assurances. Ce qui démontre clairement qu’il y a eu entente », déclare-t-il.

« Une compagnie a écrit clairement et sans s’en cacher que la décision a été prise par l’ensemble des assureurs et sera appliquée en même temps et de la même façon, ce qui représente une infraction aux règles du libre jeu du marché et des lois sur la concurrence », ajoute-t-il.

Certaines associations de protection des droits du consommateurs ont également réagi dans la foulée, revendiquant une intervention urgente du Conseil de la Concurrence pour ouvrir une enquête sur le dossier.

Une levée de boucliers qui semble avoir donné son effet, puisque les assureurs ont décidé de faire machine arrière sur cette décision, selon plusieurs sources du secteur contactées par LeBoursier.

Les assureurs battent en retraite, mais pas tous…

Contacté par Médias 24, Bachir Baddou, directeur général de la Fédération marocaine des assureurs (la FMSAR) nous indique d’abord que « la fédération n’est pas dans la boucle dans ce sujet », comme pour balayer toute accusation d’entente. Il nous précise ensuite que « plusieurs compagnies ont décidé de ne pas mettre en œuvre la mesure », sans nous donner plus de détails sur le pourquoi de cette machine arrière.

Une autre source de haut niveau dans le secteur nous a confirmé également les propos de M. Baddou, expliquant que « la quasi-majorité des compagnies n’appliqueront pas cette mesure suite à des discussions officieuses entre les acteurs du marché et les autorités de régulation du marché ».

Deux arguments ont poussé selon notre source les compagnies à revenir sur cette décision:

Le premier relève de la conjoncture : « Cette décision quoique justifiée techniquement tombe à un moment assez particulier avec la crise que connait le pays et le contexte social et économique de plusieurs ménages », explique notre source.

Deuxième raison : « la polémique que cette décision allait créer au vu de la manière avec laquelle elle a été prise et communiquée et qui laisse penser qu’il y a eu entente entre les acteurs du secteur ».

Pour ne pas exacerber la colère des ménages, déjà en prise à de grosses pressions, et pour tuer dans l’œuf une polémique sur un nouveau dossier de soupçons d’entente anticoncurrentielle, les acteurs du marché se sont mis d’accord pour ne pas appliquer cette nouvelle mesure de recalcul de la franchise et de maintenir ainsi le statu quo.

Nos deux sources parlent toutefois de la « quasi-totalité » des acteurs et non de l’ensemble des assureurs. Ce qui laisse entendre que cet accord officieux n’a pas été accepté par toutes les compagnies et que certaines d’entre elles maintiendront la décision communiquée le 26 août et qu’elles appliqueront ainsi la nouvelle méthode de calcul de la franchise de la garantie « Dommage au véhicule ».

M.M. | LE 31-08-2020 – LeBoursier.ma Site

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