Depuis l’exposé de son DG par intérim devant la Commission de contrôle des finances publiques en juin dernier, les priorités de la CNSS ont quelque peu évolué. En effet, le discours royal de la fête du Trône, érigeant la généralisation de la couverture sociale comme priorité, a mis la CNSS sous pression. C’est ce qui est ressorti de la réponse d’Abdellatif Mortaki, DG par intérim, lors du débat mercredi dernier devant cette Commission.
«Le sujet est d’une actualité par excellence, avec un planning à respecter. Ainsi, pour les deux premières années, il s’agit de réaliser la couverture médicale, les allocations familiales, …Trois ans après, c’est au tour de la généralisation des retraites et de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE). C’est un méga-chantier», reconnaît Abdellatif Mortaki.
En outre, la loi a accordé à la Caisse la gestion de la couverture médicale des travailleurs non salariés qui représentent près de 4,5 millions de personnes. Avec leurs familles, la barre de 11 millions est franchie. Elle devra également gérer la couverture médicale des ramédistes. Actuellement, la CNSS gère les dossiers de 6 millions de personnes, y compris les assurés actifs, les pensionnés et les ayants droit.
«En l’espace de 2 ans, elle devra passer à 22 millions. C’est un grand défi et nous nous préparons pour être au rendez-vous», a souligné Abdellatif Mortaki. Ses équipes travaillent actuellement sur la dématérialisation des process qui va les aider à pouvoir absorber cette arrivée massive de marocains qui vont intégrer la couverture médicale. Dans ce chantier, il est également question d’amender des textes pour doter la CNSS de la capacité d’utiliser la dématérialisation dans un temps court, dit-il.
En attendant, la Caisse est en train de réviser ses méthodes de travail. Et dans ce chantier, la dématérialisation est un facteur de facilitation. C’est le cas pour l’amnistie de 2020 concernant les entreprises touchées par la pandémie dont le nombre s’élève à 90.000. Les créances sont estimées à 10,065 milliards de DH, avec une remise de 4 milliards de DH.
Le DG est conscient que dans les conditions sanitaires de la Covid-19, il est impossible de réaliser cette mesure, en recevant 90.000 dans les perceptions de la CNSS et se mettant d’accord avec elles sur les facilités de paiement,… Pour contourner ce problème, la Caisse a créé un portail qui permet à l’entreprise de connaître sa créance, décider si elle la paie comptant ou avec des facilités et le nombre de mensualités. Près de 2 mois après, ce sont 14.000 entreprises qui ont souscrit à cette opération pour un montant de 1,4 milliard de DH.
La CNSS fait également face à la problématique de la proximité. Actuellement, sa présence est assurée à travers ses agences, qui se trouvent essentiellement dans les villes industrielles où les salariés sont nombreux. Pour le DG, «la rationalisation des dépenses a ses impératifs. Les cotisations doivent être utilisées pour l’indemnisation et non pour le paiement des salaires».
La CNSS ne peut pas être dans toutes les régions en présentiel d’autant que les nouveaux adhérents ne sont pas forcément des salariés. En attendant, la Caisse travaille sur les estimations en ressources humaines nécessaires pour être au rendez-vous et absorber le grand nombre de dossiers qui devront arriver.
Question cruciale de la retraite
Le président de la Commission Driss Sqalli a soulevé l’un des chantiers ouverts par la CNSS et qui concerne la réforme du régime des retraites. Surtout que le premier déficit structurel aura lieu en 2024 et l’épuisement total des réserves en 2038. S’ajoute la faiblesse des droits des assurés, particulièrement pour ceux qui n’ont pas réuni 3.240 jours de couverture nécessaires. De même, les assurés ne peuvent bénéficier des périodes de couverture ayant dépassé 7.560 jours. Le système n’a pas prévu non plus de mécanismes pour la révision annuelle des pensions.
Pour le DG, au Maroc, les caisses de retraite ont la possibilité de placer leurs fonds dans les marchés financiers, selon des règles strictes. La CNSS devrait avoir cette possibilité. Mais ce n’est pas le cas : «lorsque nous comparons les intérêts servis par la CDG et ceux du marché, il y a une grande différence qui impacte négativement la rentabilité et la pérennité du régime», dit-il. Des réunions avec la CDG ont abouti à un accord sur un scénario: les anciens dépôts seront laissés de côté pour n’aborder que les nouveaux flux. «Nous devons les gérer de manière optimale qui préserve les intérêts des assurés sociaux. J’espère que cette question sera réglée rapidement», note t-il. D’ailleurs, la Cour des comptes a alerté sur cette problématique. La CNSS l’a toujours soulevée au point que son conseil d’administration avait pris des résolutions qui n’ont malheureusement pas été concrétisées.
Mohamed CHAOUI | Edition N°:5913 Le 25/12/2020 –