RETRAITE : LA RÉFORME PARAMÉTRIQUE DE LA CNSS REPOUSSERAIT L’ÉPUISEMENT DES RÉSERVES DE 20 À 25 ANS

L’épuisement des réserves de la CNSS est prévu pour 2037-2038 et le déficit technique dans 3 ou 4 ans. D’où l’urgence de la réforme paramétrique pour la CNSS (repousser l’âge de la retraite à 63 ans à l’instar du régime des pensions civiles (RPC) ; augmenter la cotisation pas de 8 pts comme le RPC ; revoir les règles de calcul des annuités) en vue d’améliorer l’équilibre technique du régime. Ladite réforme paramétrique pourrait repousser l’épuisement des réserves de 20 à 25 ans. Les explications de H. Boubrik

La situation étant ce qu’elle est avec des ressources financières de plus en plus rares, le financement de la retraite se pose avec acuité. Inutile de rappeler les raisons sous-jacentes ayant conduit à une telle situation, elles sont très connues pour ne citer que la hausse de l’espérance de vie, le nombre de plus en plus réduit de cotisants pour un retraité.

Ajoutons à cela, le manque de dynamisme d’un marché de financier pour assurer les rendements des placements des différentes caisses  pour un pays comme le Maroc. Un puzzle incomplet qui rend les réformes de plus en plus complexes. Depuis plusieurs années, nous espérons le démarrage de la mise en œuvre de la réforme systémique, les équipes au pouvoir se succédant, mais aucune réelle avancée dans ce sujet.

La 14e édition du Colloque international des finances publiques organisé récemment était une occasion pour débattre de cette thématique, considérée comme étant une dépense d’avenir et qui va peser de tout son poids sur le budget de l’Etat, si rien n’est fait, justement à cause de l’allongement de l’espérance de vie et de la dégradation du rapport actifs/retraités.

Abordant le sujet, Hassan Boubrik Directeur général de la CNSS rappelle que le vieillissement de la population est une réalité mondiale. La population mondiale âgée de 65 ans et plus augmente en proportion de 5% en 1960,  9% en 2018 et de 16% en 2050. Celle âgée de 0 à 14 ans passe de 26% en 2018 à 21% en 2050. Cette évolution cache par ailleurs des disparités géographiques. Au Maroc, la population âgée de 65 ans et plus représente 7,6% contre une moyenne de 7,4% dans les pays de l’OCDE.

Le vieillissement de la population dans le monde est dû à la hausse de l’espérance de vie qui est passée de 50,7 ans à 70,6 ans. « Chaque année, nous gagnons 4 mois en espérance de vie, ce qui est énorme », constate Hassan Boubrik. Nous notons également la baisse du taux de fécondité atteignant 2,696 actuellement et qui va encore baisser selon les projections au courant des prochaines années.

Si l’espérance de vie est un indicateur de bonne santé des économies permettant un accès aux infrastructures sanitaires, au développement de la médecine, la baisse de fécondité interpelle sur le dynamisme démographique. On s’interroge à ce titre sur comment l’encourager.

Dans la foulée, Hassan Boubrik s’attarde sur l’évolution de la population mondiale sur deux décennies (1900 à aujourd’hui ) attestant d’une hausse exponentielle devenant de plus en plus insoutenable face aux ressources disponibles (pression sur l’énergie, eau, alimentation… ).

Le vieillissement de la population n’est pas exempt de conséquences sur le financement de la protection sociale. Il se traduit par de fortes pressions sur les ressources et les dépenses de retraite et de santé.  Celles-ci sont même aggravées par la problématique de la relation entre vieillissement de la population et croissance démographique.

Le DG de la CNSS rappelle le cycle de vie marqué par trois phases (0 à 25 ans : activité faible) ; (25 à 65 ans : forte activité), (65 ans et plus : consommation de l’épargne constituée pendant la période d’activité). D’où l’enjeu d’allonger la période de l’activité forte et de retarder l’âge de la retraite non seulement pour améliorer les cotisations mais aussi pour améliorer la qualité de la croissance économique.

Quid du Maroc ?

Le Maroc à l’instar des autres pays est rattrapé par ces problèmes démographiques. L’indice synthétique de fécondité a baissé de manière drastique passant de 7 en 1960 à 2,4 en 2020.

Aussi, la répartition de la population marocaine par âge montre que la population âgée de plus de 60 ans a gagné 4 pts entre 1960 et 2020. Entre 2021 et 2050, elle va gagner 12 pts. Ce qui dénote de l’accélération forte du vieillissement de la population au Maroc.

Cette évolution a bien entendu un impact sur les régimes de retraite. « On a assisté à une dégradation du rapport démographique de l’ensemble des régimes de retraite de base. Le régime CNSS est caractérisé par un rapport démographique plus élevé à cause du potentiel de recrutement dans le secteur privé et la captation de ceux œuvrant dans l’informel. Celui des pensions civiles se dégrade également. Le RCAR a le rapport démographique le plus dégradé. Cela résulte du basculement des caisses internes de certains organismes (OCP, ONCF…) vers le RCAR », tient à rappeler H. Boubrik.

La conséquence de cette dégradation démographique est la forte fragilité financière du système de retraite national : évolution des dépenses de pensions à un rythme plus soutenu que les cotisations. Les dépenses de retraite/PIB passeront à 10% du PIB en quelques années.

Le solde technique (Cotisations – Dépenses) est négatif et s’aggraverait de plus en plus sur la période de projection .

Même s’ils sont sur la même tendance, les régimes de retraite présentent des situations différentes : le régime des pensions civiles ne produit plus de déficit (à cause de la réforme paramétrique de 2016) mais la problématique du financement des droits passés se pose avec acuité. Le régime des pensions civiles traîne une dette implicite de 300 Mds de DH.

Les régimes RCAR et CNSS continuent de produire des déficits. Pour le Régime CNSS  couvrant les salariés du secteur privé, il y a urgence d’une réforme paramétrique afin d’améliorer l’équilibre technique du régime : repousser l’âge de la retraite à 63 ans à l’instar du régime des pensions civiles ; augmenter la cotisation pas de 8 pts comme le RPC ; revoir les règles de calcul des annuités. « La réforme paramétrique pourrait repousser l’épuisement des réserves de 20 à 25 ans » , annonce Boubrik.

Financement des régimes de retraite

L’idée de tout asseoir sur le moteur démographique est une fausse bonne idée pour le financement des retraites. Nous avons besoin d’un équilibre technique presque par individu en fonction du calcul des droits, de l’âge de départ à la retraite, du niveau des cotisations. Certes le financement est plus pérenne pour les régimes par capitalisation, ou à défaut des régimes à cotisations définies qui se veut facilement pilotable.

Toutefois, le basculement d’un régime de répartition à celui de capitalisation suppose des réserves fortes et une croissance économique extrêmement forte. Un fait tut à fait impossible aux conditions actuelles.

D’autres sources de financements alternatifs devraient être repensées pour assurer le financement des droits passés notamment pour ce qui concerne le régime des pensions civiles. A partir de 2028, 2029, les déficits de la CMR seront en moyenne entre 20 et 25 Mds de DH. La dette implicite de 300 Mds de DH ne peut être supportée uniquement par la seule population du régime.

« D’autres sources de financements alternatifs devraient être repensées pour assurer la financement des droits passés », insiste Hassan Boubrik.

23 novembre 2021 – 

Ecrit par S. Es-Siari  – EcoActu

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