Notre monde subit un réchauffement de +1,2 °C et déjà, des assureurs se désengagent de certaines zones qu’ils considèrent trop à risques. En Floride, région particulièrement touchée par les catastrophes climatiques, certains particuliers ne trouvent ainsi plus d’assureurs privés. En Allemagne, après les inondations historiques, les assureurs ont prévenu : si rien n’est fait pour limiter un réchauffement à +2 °C, l’assurance ne sera plus possible.
La Californie a compté 9600 incendies en 2020, selon Munich Re.
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C’était à la veille de la COP21 en 2015. Henri de Castries alors président d’Axa, premier assureur mondial, expliquait qu’un « monde à +2 °C pourrait encore être assurable, un monde à 4 °C ne le serait certainement plus ». Cette déclaration, qui a eu un fort retentissement à l’époque, était-elle trop optimiste ? Alors que le monde enregistre déjà un réchauffement de 1,2 °C par rapport à 1900 et que la barre des + 1,5 °C pourrait être franchie d’ici trois ans, les assureurs commencent déjà à se désengager de certaines zones particulièrement à risque.
Il y a un mois, dans la ville de Surfside en Floride, l’effondrement spectaculaire d’un immeuble résidentiel a tué une centaine de personnes, provoquant une vive émotion. Si l’enquête est toujours en cours pour trouver l’origine de cet effondrement, la piste de mauvais entretiens et d’une structure détériorée sont en cause. Mais cette région, particulièrement sous pression du changement climatique, est de plus en plus fragile. Depuis les années quatre-vingt, date de construction de l’immeuble, le niveau de la mer a augmenté de plus de 20 centimètres dans le sud de la Floride.
En accélérant la dégradation des bâtiments, la crise climatique fait fuir les assureurs. « Quelques jours après l’effondrement, les compagnies d’assurance ont envoyé des lettres menaçant de ne plus couvrir les vieux bâtiments qui n’avaient pas passé les inspections de sécurité obligatoires. En Californie, les assureurs ont commencé à fuir les zones exposées aux incendies ; dans d’autres régions de l’Ouest, les responsables disent qu’ils reçoivent des rapports similaires d’assureurs refusant de renouveler les polices », rapporte ainsi le New York Times. Avec des incendies de plus en plus fréquents et intenses, des ouragans dont Irma en 2017 et Michael en 2018, les compagnies d’assurance accusent des pertes sans précédent. À tel point que certains particuliers ne peuvent même plus renouveler leur assurance. Et cette situation n’est pas isolée.
UNE EXPLOSION DES PRIMES D’ASSURANCE
En Allemagne, le secteur a déjà prévenu : « Si rien n’est fait pour maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C, nous devrons arrêter l’assurance contre les risques de catastrophe naturelle ». Les assureurs affirment que 2021 pourrait être une des années les plus importantes en termes de pertes financières alors que le pays a subi des inondations historiques à la mi-juillet. Et la France n’est pas épargnée. 200 millions d’euros pour la tempête Alex qui a dévasté la vallée de la Roya, un milliard d’euros de dommages en raison des épisodes de gel dans les vignes, 550 millions d’euros concernant les inondations dans plusieurs départements en juin… Au total, la facture des sinistres climatiques a triplé depuis les années quatre-vingt, passée de 1,2 milliard d’euros par an à 3,6 milliards.
Face à la hausse des impacts du changement climatique, le monde de l’assurance appelle tous les acteurs à ne plus négliger « l’adaptation ». En attendant, le secteur ne peut plus supporter seul le surcoût de la crise climatique. Même les réassureurs sont de plus en plus frileux de sorte que’ils cherchent de nouveaux outils de financement et certains font appel au marché des « cat bond« , des « obligations catastrophe ».
Concrètement, ces instruments financiers permettent de faire supporter le risque d’indemnisation des désastres naturels aux marchés financiers. Reste que les surcoûts liés au changement climatique vont inévitablement se répercuter sur les primes d’assurances. L’Autorité de contrôle prudentiel et de supervision (ACPR), qui dépend de la Banque de France, prévoit une explosion des primes de 130 à 200 % sur trente ans.
Marina Fabre –