La réassurance dans la zone MENA : le renouvellement 2022

Après plusieurs années de faiblesse des taux, les sociétés de réassurance de la zone MENA pourraient tirer profit du durcissement des conditions et de la hausse des tarifs lors des renouvellements de 2022.

MENA reinsuranceLa tendance mondiale de raffermissement des taux jouera en fait en faveur des réassureurs de la région, qui sont affectés par les faibles performances de souscription. Ces derniers sont également confrontés à plusieurs autres défis comme :

  • une capacité disponible abondante,
  • une tarification très compétitive,
  • une concurrence accrue qui pourrait limiter le raffermissement des conditions du marché,
  • des pertes importantes surtout dans les branches construction, incendie et engineering,
  • l’émergence de nouveaux risques et l’impact du changement climatique,
  • les retombées économiques de la pandémie du Covid-19,
  • le recul ou le faible rendement des investissements.
Réassurance dans la zone MENA : un marché en plein chamboulement

Face à un environnement difficile, le paysage de la réassurance de la zone MENA est en mouvement permanent. Ne parvenant pas à générer une rentabilité suffisante, certains acteurs dont le nombre est estimé à 15, se sont soit retirés du marché, soit ont disparu de la scène régionale au cours des dernières années. C’est le cas dernièrement de Trust International Insurance and Reinsurance Company qui a réduit son activité depuis 2018 et de Arig qui est en liquidation depuis août 2020.

Avant ces deux leaders moyen-orientaux, d’autres réassureurs locaux et régionaux ont cessé toutes activités au cours des dernières années : Best Re en 2013, Gulf Re et Takaful Re en 2016, ACR Retakaful en 2017 et Emirates Retakaful en 2018.

Plus récemment, plusieurs syndicats du Lloyd’s et des acteurs internationaux se sont également retirés de la région ou ont réduit leur présence. Qatar Re a par exemple transféré son siège du Qatar aux Bermudes alors que GIC Re (Inde) a fermé en août 2021 sa succursale au Dubai Financial International Centre (DFIC). AIG a également réduit sa capacité de réassurance dans la région de 2 milliards USD à 500 millions USD, selon le courtier SIACI Saint Honoré.

D’autres acteurs font en revanche leur entrée au Moyen-Orient. L’américain General Reinsurance a récemment ouvert un bureau au Dubai International Financial Centre (DIFC). Créé en 2014, ce centre financier émerge en tant que principale plateforme de réassurance de la région Moyen-Orient, Afrique et Asie du Sud (MEASA), avec un total de 1,7 milliard USD de primes de réassurance souscrites en 2020.

Ce hub abrite plus d’une centaine d’opérateurs dans l’assurance et la réassurance dont Munich Re, Lloyd’s, Berkshire Hathaway Specialty, RGA, Korean Re, AIG, Zurich, …

Marché de la réassurance dans la zone MENA : une capacité abondante

MENALa capacité disponible dans la région MENA provient de plusieurs sources : réassureurs mondiaux, acteurs domiciliés dans la région et groupes africains et asiatiques.

Malgré le retrait d’un nombre important d’opérateurs, la capacité du marché reste abondante, principalement apportée par les réassureurs internationaux.

Le marché direct de la région bénéficie depuis longtemps d’une abondante capacité de réassurance. Cette manne, ou laxisme des réassureurs permet aux cédantes locales de céder des affaires à des taux compétitifs et des commissions extrêmement élevées.

Pour les acteurs étrangers le déploiement de capitaux dans la région est motivé par la diversification de leurs portefeuilles au sein d’une région où le niveau d’exposition aux catastrophes naturelles reste faible. Pour les opérateurs régionaux, la zone offre une importante opportunité de croissance.

Marché de la réassurance dans la zone MENA : évolution des primes et résultats techniques 2016-2020

Les primes souscrites par les réassureurs domiciliés dans la région MENA continuent de croître en dépit de la baisse du nombre d’opérateurs. Elles sont passées de 1,914 milliard USD en 2016 à 2,273 milliards USD en 2020.

Evolution des primes brutes des réassureurs domiciliés dans la zone MENA : 2016-2020

En milliers USD

RangCompagniePaysChiffre d’affaires
20202019201820172016
1International General Insurance (IGI)Jordanie467 273349 292301 618275 341231 428
2Société Centrale de RéassuranceMaroc295 737210 282210 680214 467233 620
3Compagnie Centrale de RéassuranceAlgérie254 487269 863269 172254 049245 081
4Saudi ReArabie Saoudite249 021211 143192 098251 026262 540
5Milli ReTurquie246 775278 781249 606286 693263 757
6Hannover ReTakafulBahreïn206 347178 953154 561169 883158 477
7Kuwait ReKoweït186 515187 405152 688115 82295 895
8Turk Re (1)Turquie139 896 ––  – –
9Oman ReOman64 43153 09158 10732 10423 527
10Arab ReLiban60 26769 25367 85564 01365 540
11Tunis ReTunisie58 51659 94647 43449 06948 611
12Africa RetakafulEgypte43 68064 41051 73038 96040 340
13Arab Insurance Group (ARIG) (2)Bahreïn194 614262 791225 632245 431
Total 2 272 9452 127 0332 018 3401 977 0591 914 247

(1) Turk Re est créé en 2019
(2) ARIG est en run-off. La société ne souscrit plus d’affaires nouvelles.
Source: Atlas Magazine

Réassureurs de la zone MENA : primes brutes et fonds propres 2020

Chiffres en milliers USD

RangCompagniePaysChiffre d’affairesEvolution 2019-2020Fonds propres 2020
20202019
1International General Insurance (IGI)Jordanie467 273349 29233,78%107 429
2Société Centrale de RéassuranceMaroc295 737210 28240,64%290 930
3Compagnie Centrale de RéassuranceAlgérie254 487269 863-5,70%266 768
Réassureurs de la zone MENA : ratios techniques 2018-2020

Les réassureurs de la région sont confrontés à la volatilité de leurs résultats techniques. Plus de la moitié d’entre eux affichent un ratio combiné non vie moyen supérieur à 100% au cours des trois dernières années.

Le ratio combiné moyen le plus élevé est enregistré par Milli Re, réassureur très exposé aux catastrophes naturelles en Turquie.

CompagniePaysRatio sinistres à primes non vie en %Ratio combiné non vie en %
201820192020Moyenne 3 ans201820192020Moyenne 3 ans
International General Insurance (IGI)Jordanie46,554,853,551,688,994,18990,6
Société Centrale de RéassuranceMaroc60,340,756,352,492,284,690,589,1
Compagnie Centrale de RéassuranceAlgérie52,759,552,754,984,1857982,7
Réassureurs de la zone MENA : rendement des placements et retour sur capitaux propres 2018-2020

Malgré des conditions de marché difficiles, la rentabilité des réassureurs est restée robuste avec des rendements des capitaux propres (ROE) se situant, hormis Arab Re, largement au-dessus de la moyenne mondiale de 2,4%. Le ROE moyen pour l’ensemble des réassureurs de la région se situe à 8,5% en 2020, avec un taux de 17,2% pour Hannover Retakaful, 13,2% pour la CCR Alger et 13% pour la SCR.

Le rendement des placements en 2020 est lui aussi resté solide malgré la volatilité des marchés. De nombreux réassureurs ont enregistré de vigoureux retours sur investissement en 2020 : Milli Re (10,4%), Tunis Re (8,8%) et SCR (7,1%).

CompagniePaysRendement des placements en %Retour sur fonds propres en %
201820192020Moyenne 3 ans201820192020Moyenne 3 ans
Société Centrale de RéassuranceMaroc2,62,87,14,211,811,31312
Compagnie Centrale de RéassuranceAlgérie4,24,64,84,598,313,210,2
Saudi ReArabie Saoudite0,72,42,31,80,15,35,13,5
Marché de la réassurance dans la zone MENA : l’exposition aux risques

Avec le dérèglement climatique, les sinistres liés aux catastrophes naturelles sont en nette augmentation. Ils affectent particulièrement les performances des réassureurs domiciliés dans la région MENA.

Outre les tremblements de terre et les cyclones, la région est également exposée aux inondations. Ce dernier risque, devenu fréquent, affecte périodiquement plusieurs pays de la zone dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l’Algérie.

Le marché n’est pas à l’abri d’un événement majeur, de type tremblement de terre, en particulier dans les branches dommages aux biens, engineering et énergie. Les risques cyber constituent également une réelle menace pour la région.

Marché de la réassurance dans la zone MENA : renouvellement 2022

Lors du renouvellement de janvier 2021, des signes de raffermissement du marché étaient déjà perceptibles. Les réassureurs ont déployé leur capital de manière plus sélective et imposé des hausses ciblées pour les branches affectées par des pertes.

Pour continuer de bénéficier de conditions favorables, les réassureurs de la zone MENA doivent affronter un certain nombre de difficultés :

  • se détacher du statut de «followers» ou d’acteurs dépendants des conditions imposées par des concurrents de taille plus grande, ces derniers étant disposés à accepter des hausses de tarifs plus faibles,
  • améliorer la tarification de leurs acceptations pour faire face au coût croissant des placements en rétrocession,
  • faire face à la concurrence des acteurs direct. L’appétit croissant du marché primaire pour souscrire des affaires facultatives augmente la capacité de réassurance disponible,
  • profiter de leur expertise locale et de leurs relations de longue date avec les acteurs du marché direct pour améliorer leurs performances techniques,
  • renforcer les restrictions réglementaires concernant la fourniture de capacité de réassurance,
  • diversifier leur portefeuille d’affaires au niveau des risques et sur le plan géographique,
  • mieux appréhender les risques émergeants : cybermenaces, catastrophes naturelles, etc. à travers une modélisation appropriée et des tarifs adéquats,
  • profiter de l’amélioration des taux au niveau mondial pour réajuster les tarifs et réaliser des marges suffisantes sur les affaires de la région MENA.

Les stratégies adoptées par les réassureurs régionaux varient considérablement. Certains bénéficient de cessions légales de longue date ou de positions fortes sur leurs marchés domestiques, tandis que d’autres se concentrent sur la fourniture d’une capacité proportionnelle.

Des changements stratégiques sont en cours, certains cherchant à augmenter les affaires non proportionnelles et facultatives et à atteindre une diversification régionale et internationale.

29/12/2021 –

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