Les fonds de réserves de la Caisse Marocaine des retraites (CMR) atteindraient leur seuil minimum en 2022. La situation est préoccupante et incite les pouvoirs publics à entreprendre les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions réglementaires régissant l’équilibre financier du régime. Il s’agit en l’occurrence du seuil stipulé dans l’article 7 du décret d’application de la loi portant réorganisation de la Caisse, prohibant dans ce cas l’utilisation des FDR pour couvrir les pensions de retraite. Lotfi Boujendar, Directeur Général de la CMR nous explique dans cet entretien comment se conformer à l’article précité. Une occasion également pour dresser le bilan de la Caisse et dévoiler les enjeux de sa vision stratégique 2022-2024.
EcoActu.ma : La CMR vient de tenir son Conseil d’Administration. Quels sont les faits saillants de l’exercice 2021 ?
Lotfi Boujendar : En 2021, la CMR a géré les droits de plus de 2 millions de personnes ce qui représente 22% des cotisants affiliés aux régimes de retraite obligatoires nationaux et 47% des bénéficiaires de pensions.
Cette position a permis à notre Caisse de concentrer 67% de l’ensemble des cotisations collectées par ces régimes et de supporter 70% des pensions servies (soit respectivement 39 Mds de DH et 46 Mds de DH).
Sur ce plan, au titre de l’exercice 2021, les ressources des régimes gérés par la Caisse ont enregistré une hausse de 6,33% qui s’explique en particulier par l’impact de l’intégration de 102 000 enseignants et cadres relevant des AREF au régime des pensions civiles.
2021 a été également une année charnière pour la CMR, étant donné qu’il fallait dresser le bilan de notre 3e contrat programme avec l’Etat au titre de la période 2018-2020 qui a atteint un score de réalisation de plus de 87% malgré les contraintes liées à la pandémie de Covid-19, et au même temps se pencher sur le développement de la nouvelle vision stratégique de la Caisse 2022-2024.
Comment se décline la vision stratégique 2022-2024 de la CMR ?
Lors de sa dernière session, le Conseil d’Administration de la CMR a approuvé la nouvelle vision stratégique pour la période 2022-2024. Cette vision a été élaborée dans une démarche participative incluant les instances de gouvernance, nos partenaires, nos clients et notre capital humain. La réflexion a été également enrichie par un benchmark national et international, afin de relever au mieux les défis auxquels nous serons confrontés durant les prochaines années et saisir toutes les opportunités de développement et d’amélioration.
L’objectif étant d’adopter une vision dynamique à même de permettre à la CMR d’être un acteur de confiance pour une gestion transparente, performante et agile de la retraite publique.
Nous avons bâti notre vision autour de 6 enjeux stratégiques: l’amélioration de l’expérience client par la simplification des démarches et la réduction de l’effort client; le développement et l’optimisation de la gestion financière à travers l’amélioration continue de la rentabilité et le renforcement de la gestion des risques; le développement de l’expertise du capital humain; la consolidation de la gouvernance et de l’excellence opérationnelle; la promotion de l’innovation et le développement d’une communication au service d’une relation de confiance avec toutes les parties prenantes.
Les objectifs de cette nouvelle vision sont déclinés dans un plan d’actions stratégique avec plus de 80 projets planifiés pour les trois prochaines années. Un contrat programme, qui sera signé incessamment avec l’Etat au titre de la même période, assurera le bon déploiement de notre vision.
La situation financière du Régime des Pensions Civiles (RPC) reste préoccupante. En 2022 les réserves du régime devraient atteindre le seuil minimum légal. Quelles mesures à entreprendre face à cette situation ?
Avec un fonds de réserves qui s’élève à fin 2021 à plus de 67 Mds de DH en valeur comptable, la CMR continue à jouer son rôle d’investisseur institutionnel. Elle intervient à ce titre dans les différents marchés financiers (obligataire, actions et immobiliers) ce qui a permis à la gestion active des fonds de réserves de contribuer au financement des engagements du RPC.
En effet, malgré la réforme paramétrique de 2016, les déficits du régime n’ont cessé de se creuser et pour cause, la montée rapide des charges (évolution de 152% entre 2010 et 2021) face à une progression moins soutenue des ressources (93% durant la même période). Pour combler ces déficits, la gestion financière des Fonds de réserves (FDR) a pu subvenir aux besoins de financement du régime via les produits financiers dégagés mais aussi par la liquidation d’une partie du capital investi sur les différents compartiments du marché des capitaux.
A ce titre, les déficits cumulés sur la période 2014-2021 s’élèvent à 43,5 Mds de DH financés à hauteur de 67% par les produits financiers (29 Mds de DH).
Concernant les mesures à entreprendre face à la dégradation de la situation du RPC, il convient de signaler que lors de sa dernière session, le Conseil d’Administration de la CMR a acté que les fonds de réserves atteindraient leur niveau minimum durant l’année en cours.
Il a émis, dans ce sens, une résolution qui invite les pouvoirs publics à entreprendre les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions réglementaires régissant l’équilibre financier du régime. Ce seuil stipulé dans l’article 7 du décret d’application de la loi portant réorganisation de la Caisse interdit dans ce cas l’utilisation des FDR pour couvrir les pensions de retraite. En attendant d’engager la 2e phase de la réforme globale à travers la mise en place du Pôle Public, une réflexion est menée actuellement pour rester en conformité avec l’article précité via son amendement.
Impliquée de façon intégrée dans les modes de financement innovants de l’Etat, la CMR planche-elle sur des modes de financement pareils ?
Certes la gestion d’actifs est un levier de création de valeur mais ne peut être une solution suffisante pour combler le déficit du Régime des Pensions Civiles (RPC). Les problématiques liées à la pérennité de ce régime et aux besoins grandissants de son financement constituent de réelles contraintes à l’optimisation de la rentabilité de ses réserves. Cette situation, nous impose d’être plus averse au risque de liquidité et à la duration de nos investissements.
Concernant les financements innovants, nous avons été précurseur à saisir cette opportunité d’investissement. Dans ce cadre, nous avons réalisé des opérations qui nous permettent aujourd’hui de soutenir la rentabilité escomptée de nos fonds de réserves au moment où les marchés de base (Actions et Obligataire) livrent une rentabilité volatile et non régulière.
En dépit de l’exigibilité de notre passif (RPC), nous allons continuer à analyser toute offre d’investissement proposée dans le cadre des financements innovants avec comme objectif de saisir les opportunités d’investissement qui cadrent avec nos possibilités de placement et la duration de notre Fonds de Réserves.
Quelles ont été les réalisations du régime ATTAKMILI en 2021 ?
Le régime ATTAKMILI a réalisé, depuis sa création en 2006, sa meilleure performance cette année. Ce résultat s’est traduit aussi bien au niveau de nouvelles souscriptions que par les cotisations collectées et la réserve constituée qui s’est établie à 396 MDH en progression de 41 % par rapport à 2020. Cette croissance résulte principalement des adhésions collectives réalisées.
En terme de profitabilité, le Régime « Attakmili » a servi à ses affiliés, durant les trois dernières années un taux de rendement moyen de plus de 7 % grâce à une gestion très dynamique du portefeuille et une présence permanente sur les différents compartiments des marchés financiers.
Interviewé par Soubha Es-Siari – 8 février 2022 –