Jusqu’à maintenant cantonnée essentiellement à des expérimentations, l’informatique quantique progresse doucement vers des usages opérationnels.
Au vu de ses résultats, CaixaBank, qui affirme être la première dans le monde à l’aborder dans le secteur de l’assurance, envisage désormais sérieusement un déploiement en production.
Comme toujours avec les annonces spectaculaires dans le domaine, la réalité est légèrement moins reluisante qu’il n’y paraît. D’une part, le groupe espagnol met en œuvre le système hybride de D-Wave, qui non seulement, comme son nom l’indique, combine technologies quantique et traditionnelle, mais dont, en outre, la qualification de son approche est sujette à polémique. D’autre part, la cible visée, bien que faisant partie des métiers de l’assurance, reste centrée sur les portefeuilles d’investissement.
En l’occurrence, c’est la division « vie » (VidaCaixa) de l’établissement qui a engagé une série de tests avec la version infonuagique des infrastructures de son partenaire. Portant plus spécifiquement sur l’optimisation des allocations obligataires et sur la couverture de risques, les algorithmes développés pour l’occasion, qui prennent en compte les particularités de la programmation quantique, ont démontré l’avantage significatif que représentent ces outils, indépendamment des débats théoriques qu’ils suscitent.
Classiquement, les bénéfices concernent surtout la performance, dans un rapport qui, dans des conditions idéales, peut atteindre 1 à 10. Certains traitements qui prennent habituellement plusieurs heures sont alors effectués en quelques dizaines de minutes. Ces gains autorisent une meilleure réactivité aux mouvements de marché mais aussi une plus grande complexité des modèles mathématiques implémentés, permettant d’affiner la qualité des projections et, dans un cas au moins, améliorer la rentabilité de 10%.
CaixaBank s’intéresse à l’informatique quantique depuis longtemps et a constitué une équipe pluridisciplinaire dédiée dès 2019, dont la mission est d’en explorer les opportunités dans tous ses métiers, notamment autour de l’analyse de données, la cryptographie, la lutte contre la fraude, la maîtrise des risques… En dépit de ses multiples expérimentations, elle n’a toutefois aucune application en production à ce jour. Ces derniers essais, très concluants et par ailleurs déclinables dans d’autres activités que l’assurance, pourraient provoquer le début d’une transition dans les prochains mois.
Pour la plupart des institutions financières, l’informatique quantique est une hypothèse lointaine, qui mérite d’être surveillée mais ne sera pas effectivement exploitable avant de longues années. Pour les plus audacieuses, il n’est pas nécessaire d’attendre pour mettre un pied dans un univers, qui, de toutes manières, s’avère difficile à appréhender et à dompter, et les avantages incrémentaux qu’il est possible de dégager aujourd’hui n’ont pas qu’une valeur d’apprentissage : de plus en plus, au fil des tentatives, ils paraissent susceptibles d’avoir un impact concret à court terme sur la compétitivité.
212assurances – 7 mars 2022 – Article « L’innovation dans les services financiers, par Patrice Bernard«