Frappée de plein fouet par le changement climatique, l’Australie fait face à une « crise d’assurabilité », estiment des chercheurs dans une nouvelle étude. Le prix des assurances des propriétés en zone à risque va exploser les prochaines années, devenant inaccessible pour une grande partie de la population. En pleine campagne électorale, la question climatique est pourtant très peu évoquée. Des candidats indépendants tentent de renverser l’ordre établi pour mettre le sujet en haut des priorités.
Méga-sécheresses, inondations records, feux monstres… l’Australie est frappée de plein fouet par le changement climatique. Chaque année, chaque mois, chaque semaine, cette actualité défraye la chronique et impacte des millions d’Australiens. Les conséquences sont telles qu’elles ont créé « une crise d’assurabilité » dans le pays en raison de « l’aggravation des conditions météorologiques extrêmes et de la flambée des primes d’assurance », analyse le groupe de défense du climat, Climate Council, dans un rapport publié début mai.
Au total, un foyer australien sur 25 pourrait devenir inassurable d’ici 2030 selon les experts. Et ce ratio monte à un sur 10 dans certaines régions particulièrement menacées comme Port Adelaide ou la Gold Coast. « Nous parlons d’un demi-million de propriétés, ce n’est pas négligeable », indique Nicki Hutley, co-auteur du rapport et économiste au Climate Council. À mesure que la Terre se réchauffe, les primes d’assurance augmentent, devenant inaccessibles pour une grande partie de la population.
Des inondations très coûteuses
Et ce sont les inondations qui sont les plus coûteuses et représentent le plus grand risque pour les propriétés. Or l’Australie y est particulièrement exposée. Fin mars, des pluies diluviennes se sont abattues sur le pays, submergent des ponts, inondant des maisons, emportant des voitures. Les inondations de la côte Est cette année ont ainsi coûté environ trois milliards de dollars australiens (deux milliards d’euros) en pertes assurées, ce qui en fait l’inondation la plus coûteuse de l’histoire du pays, a déclaré l’Insurance Council of Australia (ICA). Une étude de 2015 a estimé qu’environ 2% du parc immobilier australien était exposé à un risque d’inondation constant et 15% à un risque d’inondation occasionnel.
« Les Australiens paient le prix fort de l’absence de mesures nationales significatives pour lutter contre le changement climatique et se préparer à ses impacts. L’aggravation des catastrophes dépasse souvent la capacité des communautés à faire face et nous devons travailler dur pour éviter la catastrophe », écrivent les auteurs du rapport qui préconisent de limiter drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. « Ce rapport souligne à nouveau la nécessité de prendre de meilleures décisions en matière d’aménagement du territoire, de normes de construction et d’investissements gouvernementaux dans les travaux d’atténuation si nous voulons mettre fin à ce cycle d’impacts des inondations sur les maisons et les entreprises en Australie », ajoute le PDG de l’ICA, Andrew Hall.
Des partis bousculés
Si les appels se multiplient, en pleine campagne électorale, le message peine à être entendu. L’Australie, grand producteur de charbon, compte bien continuer à s’appuyer sur cette énergie particulièrement émettrice. En novembre dernier, le gouvernement a été très clair : « Nous ne fermerons pas nos mines de charbon, ni nos centrales à charbon« , soulignait le ministre australien des Ressources, Keith Pitt à la chaîne ABC. « Et c’est pourquoi nous continuerons d’avoir des marchés pendant des décennies à l’avenir. Et s’ils achètent… nous vendons », ajoutait-il. Le pays fait d’ailleurs partie des moins ambitieux parmi les nations développées en termes d’objectifs climatiques. Il vise une réduction de 28 % des émissions par rapport à 2005 lorsque l’Union européenne mise sur une baisse de 55 %.
Alors que le sujet climatique est très peu abordé par le Premier ministre sortant, Scott Morrison et son rival travailliste Anthony Albanese, de nouveaux venus, baptisés « teal independant » tentent de bousculer l’ordre pré-établi. « Ces indépendants, pour la plupart des femmes, espèrent gagner dans des sièges riches et traditionnellement conservateurs et mettre fin à une décennie de ce qu’ils considèrent comme une inaction en matière de changement climatique en Australie », indique le Financial Times. Les sondages montrent que certains candidats de ce mouvement inédit pourraient sérieusement rafler des sièges.
Marina Fabre Soundron – 13 mai 2022