Cet article a été réalisé par un expatrié français qui a vécu plus de 10 ans en Asie, et qui est installé au Maroc depuis fin 2021. Ayant été invité en tant qu »intervenant comme professionnel de la gestion santé au « Rendez-Vous de Casablanca de l’Assurance » ce 24 mars dernier, il nous livre en toute simplicité, sur son profil Linkedin, son regard croisé entre son expérience asiatique, européenne, et sa découverte de l’univers marocain sur le secteur de la gestion santé. Un témoignage simple de 1ères découvertes, avant d’être implanté dans notre système. Ses écrits ne sont pas un pamphlet sur tel ou tel système, mais un partage d’expérience sans aucune arrière pensée, ni connotation orientée, et qui n’engagent que son auteur.
Impressions du Maroc : quelles innovations pour l’assurance santé
Grâce aux organisateurs des « Rendez-vous de Casablanca » qui m’ont fait l’honneur de m’inviter à participer à leur panel sur l’innovation en Assurance Santé, j’ai eu l’opportunité le 24 mars dernier de partager mes impressions de nouvel arrivant (je ne suis au Maroc que depuis 7 mois) sur le marché marocain de l’assurance santé, ses besoins et son avenir.
J’ai d’abord souligné, sur la foi de mon expérience « d’assuré santé », la complexité des procédures de remboursement et le besoin de simplification : entre bulletins d’adhésions, bulletins de soins « tamponnés signés », production des originaux, envoi des notices des médicaments, etc., le remboursement des frais médicaux est aujourd’hui un véritable parcours du combattant, que je ne maîtrise pas encore parfaitement. Dans ce contexte, la généralisation de l’AMO tant attendue peut avoir le meilleur comme le pire des effets : elle va conduire à une nécessaire et bienvenue harmonisation des procédures, mais si l’on ne saisit pas l’opportunité et si l’existant vient simplement se surajouter a l’AMO (la seule différence étant que l’assurance au premier dirham devienne une assurance complémentaire) cela pourrait devenir un cauchemar pour les assurés : le « guichet unique » et une évolution des pratiques vers davantage de « customer centricity » me semblent être l’une des clés de la réussite populaire de la réforme.
Mettre les usagers (devenus au plein sens du terme « bénéficiaires ») au centre de la réflexion, cela signifie simplifier mais aussi accélérer le remboursement des frais médicaux. A ce titre le développement de la pratique du Tiers-Payant, généralisée ou en voie de généralisation dans de nombreux pays est une solution à regarder de près : En créant un lien financier direct entre l’assureur et le prestataire de soins, le Tiers-Payant, non seulement résout la question du remboursement du bénéficiaire (pas d’avance de fonds à faire), mais participe aussi à la transparence et à la structuration et de l’écosystème de santé. Y-a-t-il un risque d’augmentation de l’utilisation des polices d’assurance santé ? Il existe certes, c’est la conséquence mécanique de la simplification de l’accès aux soins, mais les expériences étrangères récentes, par exemple en Tunisie, montrent que c’est un phénomène transitoire qui s’accompagne, s’il est bien géré, d’une diminution du coût des prestations désormais mieux encadrées. Cela peut également être l’occasion de la mise en place de parcours de soins (avec des « gatekeepers ») qui aident à rationaliser la consommation.
Mais allons plus loin : cet accès facilité à la santé n’est-il pas en fin de compte un développement socialement et médicalement souhaitable ? La prévention, l’augmentation de la fréquence des visites, le suivi plus précis et plus en amont des malades chroniques n’est-il pas un pas sur la voie de d’amélioration de la santé de la population générale et en conséquence de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé qui est en passe de devenir l’un des indicateurs démographiques les plus important de notre XXIème siècle ?
La digitalisation et la dématérialisation, sont à la fois les corollaires, les catalyseurs et les accélérateurs des évolutions ci-dessus mentionnées. Leur généralisation est toutefois encore largement ralentie par des freins réglementaires touchant par exemple à la signature électronique ou au statut des pièces justificatives digitalisées : espérons des décisions rapides sur ces points desquels dépendra la vitesse à laquelle de nouvelles pratiques pourront se diffuser et être appropriées par la population. Je ne pense personnellement pas que la digitalisation et la dématérialisation de l’assurance santé provoque, comme certain le craignent, un appel d’air qui ferait flamber la fraude ; je veux croire, au contraire, que la traçabilité accrue et l’approche statistique, voir « big data », qui accompagnent les nouvelles technologies rendront la traque et le repérage des anomalies plus faciles et plus rapides, pour le bien et la clarification de l’écosystème de santé marocain qui y a beaucoup plus à gagner qu’à perdre.
Sans être un technolâtre aveugle, je suis convaincu que la digitalisation de l’assurance santé représente un progrès considérable pour tous et pour toutes que nous soyons usagers (bénéficiaires), assureurs, intermédiaires, prestataires ou comme moi, TPA et gestionnaire de réseaux de santé. Nous pouvons dès aujourd’hui dresser la perspective, dans un avenir pas si lointain, d’un parcours de soin fluide et digital, du « triage » initial pour appréhender le niveau d’urgence d’une alerte médicale à la mise à disposition immédiate d’une expertise via un service de télémédecine, de l’accès facilité aux soins grâce au tiers payant à la livraison à domicile des médicaments, de l’accès aux services de prévention, a ceux de suivi ou d’accompagnement des maladies chroniques.
C’est ma motivation et mon honneur d’y travailler déjà.