Assurance Peer to Peer: Est-il possible de faire de l’assurance, sans assureurs ni intermédiaires !

Derrière ce titre provocateur à souhait, se cache en réalité une volonté profonde des initiateurs et pionniers en Blockchain pour tous les secteurs financiers. La finance complétement décentralisée (sans banques, sans assureurs, ni intermédiaires …) était, et est toujours le rêve des premiers concepteurs et investisseurs dans ce domaine depuis le début du Bitcoin en 2008.

Pour l’assurance en particulier, la disruption ultime dans le domaine est sans contexte l’avènement des produits totalement P2P (Peer to Peer). Mais comment peut-on définir simplement ce type de produits ? Quel en sont ses avantages et ses inconvénients, et ses exemples pratiques à ce jour.

L’assurance Peer to Peer (ou assurance sociale)

Un groupe d’individus ou d’entités homogènes se mettent d’accord pour partager un risque commun. Chaque individu du groupe est à la fois assuré et assureur. L’utilisation de la Blockchain assure la confiance entre les parties, les smart contracts assurent la gestion et l’exécution des termes et accords entre les parties.

Les exemples et tentatives de démocratiser ce type d’assurances ne manquent pas dans le monde entier, La majorité sont des startups et le modèle le plus souvent utilisé actuellement est un modèle hybride qui applique les principes de la P2P mais qui a encore recours aux assureurs traditionnels:

  • Un Pot commun de primes est constitué des cotisations des membres. Un pourcentage de ce pot (souvent supérieur à 50%) est réservé aux règlements des sinistres occasionnés et approuvés par la majorité des membres (approbation automatique dûe aux mécanismes de consensus de la blockhain)
  • Les primes restantes dans le pot sont allouées généralement à souscrire une assurance complémentaire auprès d’un assureur classique afin de couvrir les risques les plus importants (fonctionnement similaire à la réassurance).

La rémunération de la startup est ainsi constituée de commissions générées par le placement de ces assurances complémentaires (comme un intermédiaire classique). Dans d’autres modèles, cette rémunération peut inclure aussi un prélèvement d’un tout petit pourcentage des cotisations initiales des membres. En fin de période, ces startup distribuent généralement les gains restants dans le pot aux membres cotisants. On parle alors d’une « assurance distribuante », d’où le qualificatif social.

Plusieurs startups se sont mises à ce type d’assurance, comme Freindassurance en Allemagne, qui est considérée par beaucoup comme pionnière dans ce domaine. On peut également citer l’exemple de Lemonade aux Etats-Unis ou aussi Teambrella, qui est la première assurance P2P à utiliser le bitcoin.

De multiples avantages à ce modèle

La diminution du risque de fraude: Ceci vient du fait que les membres sont découragés de commettre une fraude. Car en fait, les pots de primes mutualisées sont nettement plus petits que les pools de risques d’assurance classique. Ainsi, le lien entre les sinistres et primes payées à partir du pool est plus évident. En sachant qu’en plus, tout sinistre payé augmenterait leur propre prime ou cotisation de l’année d’après.

L’assurance P2P a une composante sociale et communautaire: Frauder d’autres personnes (particuliers assurés) est perçu beaucoup plus négativement que frauder les assureurs.

Le bénéfice des sinistres frauduleux est réduit: Car le paiement des sinistres frauduleux est
partiellement compensé par la réduction de la prime remboursée à la fin de l’année.

L’assurance P2P n’est possible en réalité que grâce à la digitalisation: Sa mise en œuvre pratique est basée sur Internet. Les processus automatisés de souscription et de règlement de sinistres ont leur importance. Ceci encourage la réduction des coûts d’opérations, et de moins d’efforts humains pour la gestion. Cela permet également une baisse importante des coûts d’acquisition des clients du fait de la « désintermédiation ». Concrètement, les commissions de courtage et autres canaux d’intermédiation sont éliminés.

Limites et inconvénients, surtout pour les consommateurs
  • Premier constat: C’est de ne pas bien comprendre ce type de produit, et du coup, d’être mal couvert au final.
  • Deuxièmement: Le risque d’insolvabilité est présent. Surtout dans les cas où il n’y a pas de couverture secondaire par les assureurs traditionnels.
  • Et enfin, troisièmement, certaines plateformes se trouvent hors de la portée des régulateurs. En décrivant leurs services d’une façon très créative, elles échappent au contrôle de ces derniers. Ce phénomène est déjà connu dans l’économie partagée avec certaines plateformes connues et reconnues. UBER, par exemple, est-elle un transporteur ou une simple plateforme de mise en relation entre clients et chauffeurs ? Cette situation n’est pas forcément favorable aux consommateurs, surtout en cas de conflit.
Pour conclure

14 ans après le Bitcoin et le point de départ de toute la finance décentralisée, les ardeurs de ceux qui voulaient renverser l’ordre mondial de la finance commencent à s’estomper. On semble se diriger plus vers une cohabitation subtile entre les deux monde. Le parallèle avec
l’apparition d’Internet dans les années 90 est assez évident. Au début on prédisait la fin des grandes chaînes de Télé, Radio, Presse. Or 30 ans plus tard, ces organismes sont toujours là, et cohabitent avec une production de contenu libre sur la toile.

Ainsi, banques, assureurs et intermédiaires, auront leur rôle à jouer dans le nouveau monde. A condition d’être prêt à accompagner les changements qui s’imposeront en cours de route …

Article réalisé par Saad Slaoui, Ingénieur Télécom, MBA,

Agent Général d’assurance, AXA Assurance Maroc

31 août 2022

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