Climat, injustice et précarité : sans assurance, les gens du voyage portent plainte contre l’État

Privés d’assurance pour leurs habitations, exposés à des risques majeurs et relégués dans des zones à haut danger, les gens du voyage s’unissent pour attaquer l’État en justice. L’affaire pourrait faire date.
[post-views]

À l’heure où les tempêtes se multiplient, la précarité climatique frappe plus durement les plus vulnérables. Privés d’assurance pour leurs habitations, exposés à des risques majeurs et relégués dans des zones à haut danger, les gens du voyage s’unissent pour attaquer l’État en justice. L’affaire pourrait faire date.

Poupa, 82 ans, vit depuis vingt-cinq ans sur le terrain des gens du voyage de Guipavas, dans le Finistère. Lors du passage de la tempête Ciaran, sa caravane a été sérieusement endommagée. « Elle a tellement bougé qu’elle est détraquée. Elle ne tient plus », raconte-t-elle. Aujourd’hui encore, un an et demi plus tard, l’eau s’infiltre dans les placards, le plancher, les murs. Impossible pour elle d’envisager des réparations : comme la majorité des gens du voyage, elle n’a pas d’assurance habitation.

En France, les compagnies d’assurance ne sont pas tenues de proposer des contrats couvrant les caravanes, ce qui revient à les exclure de fait. « Les assurances ne sont pas obligées de le faire, alors elles ne le font pas », explique William Acker, délégué général de l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC). Résultat : une population entière vit sans protection face aux sinistres climatiques, pourtant de plus en plus fréquents et violents.

Les terrains mis à disposition par les municipalités sont souvent situés dans des zones particulièrement exposées aux risques climatiques : coulées de boue, fortes chaleurs, tempêtes. L’environnement immédiat aggrave cette exposition : goudron brûlant, absence d’arbres, manque d’ombre. « On ne peut pas rester ici l’été, ça brûle », témoigne Poupa. « Il fait 45 degrés sur le goudron. On étouffe dans la caravane, et le soir, on ne sait plus où aller. »

Ces aires d’accueil sont généralement implantées à l’écart des villes, dans des zones industrielles ou commerciales, parfois à proximité de décharges ou de stations d’épuration. « Ces localisations renforcent l’exposition au réchauffement climatique », insiste William Acker, qui rappelle qu’environ 10 % des terrains d’accueil sont situés en zone inondable.

Face à cette situation, l’ANGVC s’est jointe à quatorze autres associations et citoyens pour attaquer l’État en justice. Le motif : un manquement à son devoir de protection des populations face au changement climatique. Cette action collective s’inscrit dans la lignée de « L’Affaire du siècle », qui avait déjà permis de reconnaître la responsabilité de l’État en matière climatique.

L’objectif de cette nouvelle procédure est clair : obtenir des engagements concrets, des actions immédiates pour sécuriser les conditions de vie des plus vulnérables. Si l’État ne réagit pas dans un délai de deux mois, les plaignants saisiront le Conseil d’État.

« Les voyageurs sont pleinement concernés par les enjeux écologiques. Mais encore faut-il qu’on leur donne les moyens de s’en protéger », conclut William Acker.

212assurances – 10 avril 2025

Laisser un commentaire
Previous Article

Hack de la CNSS : 1,9 million de vies numériques compromises

Next Article

Assurtech et transformation digitale : le Maroc et l’Afrique en lumière au GITEX Africa 2025

Related Posts