L’impact du Covid-19 sera visible sur les comptes de la sécurité sociale. Le manque à gagner en termes de cotisations est estimé à 4,4 milliards de DH. Les différentes prestations seront touchées mais, à des degrés divers. Celle qui en pâtirait le plus n’est autre que la branche des pensions.
L’étude actuarielle menée par la CNSS et dont les résultats seront examinés lors du Conseil d’administration du 30 septembre a analysé trois scénarios: pessimiste, optimiste et scénario central. Ce dernier prévoit une reprise dès le mois de juillet mais en fonction du groupe d’entreprises (Les secteurs ont été segmentés en 4 groupes: reprise immédiate, rapide, moyenne et lente. Voir aussi encadré).
A partir du mois d’avril, le nombre d’entreprises qui déclarent à la CNSS a baissé de 44%. A la même période de l’année dernière, une hausse de 23% avait été enregistrée
En se basant sur le scénario central, la branche des pensions devrait enregistrer une réduction importante du solde technique cette année: 1,74 milliard de DH, ce qui représente 93% du solde initial prévu. Le solde d’exploitation s’établirait à 131 millions de DH contre une prévision initiale de 1,87 milliard de DH d’excédents.
Cette branche déjà fragile a connu une baisse des niveaux de cotisation alors que les dépenses n’ont pas bougé. Les prévisions réalisées sur 5 ans relèvent la gravité de la situation: La branche des prestations long terme deviendrait structurellement déficitaire dès 2023 au lieu de 2024 comme cela a été prévu par différentes études actuarielles réalisées jusque-là.
Le principal canal de transmission n’est autre que l’octroi de droits d’assurance gratuits aux bénéficiaires de l’indemnité forfaitaire. Ils ont été accordés aux salariés déclarés à la CNSS au mois de février 2020 et relevant des entreprises en difficulté. Ces salariés ont bénéficié de 1.000 DH au mois de mars et de 2.000 DH pour les mois d’avril, mai et juin. Des aides assorties du maintien des prestations relatives à l’assurance maladie obligatoire et aussi aux allocations familiales.
L’octroi de droit à la pension sans contrepartie financière a généré un manque à gagner en termes de cotisations long terme de 609 millions de DH. L’étude recommande «d’agir rapidement pour financer le déficit dû à la crise et de procéder à la réforme paramétrique pour pouvoir continuer à honorer les engagements pris».
Le cabinet Mazars avait proposé trois scénarios de réforme systémique: multiparamétrique, régime en points et régime en compte notionnels. Mais, avec le risque de déséquilibre dès 2024, il a recommandé de mener rapidement une réforme paramétrique pour améliorer la pérennité du régime en attendant la mise en place d’une réforme systémique. Elle propose ainsi d’agir sur le taux de cotisation, l’âge de départ à la retraite, la valorisation des pensions et du plafond.
? AMO: Réduction du solde technique de 431 millions de DH
La crise sanitaire amputerait le solde technique de la branche AMO de 431 millions. Avant l’avènement du Covid-19, les prévisions tablaient sur un excédent de 2,7 milliards de DH. La projection du compte d’exploitation sur 5 ans montre que l’équilibre de la branche se maintiendrait sur la période 2020-2024. Et ce, même en tenant compte de l’amélioration des remboursements AMO à partir de janvier 2020. Celles-ci ont été décidées par le conseil d’administration de la CNSS de juillet 2019 mais leur application attend la publication des textes réglementaires au Bulletin Officiel.
Le nombre de salariés déclarés en avril a reculé de 33% comparativement à la même période en 2019
? Le déficit guette les prestations à court terme
La branche des allocations familiales et celle des prestations à court terme hors indemnité pour perte d’emploi (IPE) n’échapperont pas à la crise. Une baisse de 596 millions de DH du solde technique pour les allocations familiales (47% par rapport aux prévisions) est prévue. La projection sur 5 ans réalisée ne fait pas ressortir de déficit technique de la branche sur la période 2020-2024. Pour les prestations à court terme hors IPE, un déficit de 26 millions de DH est attendu cette année au lieu d’un excédent de 126 millions de DH. Le retour à une situation normale est espéré dès 2021 avant une rechute en 2022.
? Risque d’explosion des demandes d’IPE
Depuis l’arrêt de service de l’indemnité forfaitaire, la CNSS craint une explosion du nombre de demandes d’indemnités pour perte d’emploi. Ce qui pourrait entraîner une multiplication par 3 du montant budgétisé au titre de l’exercice 2020. En tout cas, la crise a un impact significatif sur cette prestation: une réduction du solde technique de 171 millions de DH par rapport au budget 2020, ce qui représente 48% du solde prévu. L’étude n’a pas ressorti de déficit sur la période 2021-2024.
Quatre groupes
Dans son étude, la CNSS a segmenté les branches d’activité en 4 groupes. Le premier pour lequel la reprise serait immédiate compte des branches telles que les industries alimentaires, les assurances, les télécommunications…etc. Le deuxième groupe dont la reprise serait rapide regroupe des activités comme le commerce de gros, l’enseignement et l’industrie chimique. Le troisième, pour lequel la reprise serait moyenne, est constitué par les travaux de construction spécialisée, l’industrie de l’habillement. Le dernier et quatrième groupe est celui dont la reprise serait lente. Il est composé d’activités comme la restauration, la location et location-bail. Ainsi dans le scénario central, le nombre de salariés serait de 3,01 millions contre une prévision de 3,61 millions prévus dans le budget 2020. La masse salariale déclarée est à 151,1 milliards de DH contre 171,1 milliards prévus. La masse salariale plafonnée ne dépasserait pas 98 milliards de DH contre une projection de 110,9 milliards prévus initialement.
Khadija MASMOUDI | Edition N°:5849 Le 23/09/2020 –