Trois ans après son entrée en vigueur, à peine 15.000 bénéficiaires ciblés couverts sur plus de 4 millions prévus
Présentée il y a quelques années comme une grande prouesse, l’AMO des indépendants ressemble plus aujourd’hui à une montagne qui accouche d’une souris. Les chiffres sont édifiants. Sur les quatre millions de bénéficiaires ciblés initialement, à peine quelque 15.000 sont couverts. Pire encore, seulement cinq catégories professionnelles, à savoir les adouls, les sages-femmes, les professionnels de la rééducation et depuis quelques jours les guides touristiques et huissiers de justice, ont vu les décrets de l’AMO réservés à leurs professions adoptés.
Ces chiffres et données viennent d’être débattus lors de la réunion de la commission thématiques chargée de la couverture sociale à la Chambre des représentants. A ce rythme, la couverture de l’ensemble des professionnels et de leurs familles n’aura lieu que dans un demi-siècle ! Pour rappel, Aujourd’hui Le Maroc avait rapporté il y a quelques semaines la volonté gouvernementale de changer de méthode.
Et pour cause. Les négociations avec la majorité des autres corporations et corps de métiers semblent s’éterniser si bien que le ministre de l’économie, des finances et de la modernisation de l’administration n’a pas hésité à confier lors d’un passage au Parlement qu’il fallait plusieurs décennies pour voir les négociations aboutir avec toutes les professions libérales. L’un des points de divergence entre les représentants des indépendants et les départements gouvernementaux concernés est la déclaration des revenus pour déterminer la base de cotisations pour la couverture sociale. Dans ce sens, l’ultime décret relatif à la loi régissant l’AMO des indépendants qui concerne les revenus forfaitaires n’a pas encore vu le jour. Si le gouvernement pouvait se permettre des négociations élargies, la situation a radicalement changé depuis quelques semaines.
En effet, l’Exécutif est aujourd’hui tenu par un calendrier bien précis pour la généralisation de l’AMO au cours des deux prochaines années. Ainsi, un projet de loi visant à amender le texte régissant l’AMO des indépendants est attendu dans les prochains jours. A noter que le gouvernement compte instituer une contribution professionnelle unifiée pour faciliter notamment le déploiement de l’AMO dans les meilleurs délais. En effet, le Maroc s’est donné cinq ans pour déployer une nouvelle politique sociale.
Concrètement, la période 2021-2023 est consacrée au déploiement de l’AMO et des allocations familiales, alors que celle de 2024-2025 sera dédiée à la généralisation de la retraite et de l’IPE (indemnité pour perte d’emploi) au profit de la population active. Le gouvernement et le Parlement auront du pain sur la planche au cours des prochains mois, notamment pour la refonte du cadre législatif et réglementaire, la mise à niveau des structures hospitalières et l’organisation de la filière de soins, la réforme des systèmes et programmes sociaux déjà en place, notamment à travers l’opérationnalisation du Registre social unifié (RSU). Il s’agit également de la réforme de la gouvernance du système de protection sociale et la réforme fiscale relative à l’instauration de la Contribution professionnelle unique (CPU).
Politique sociale
Le dernier discours royal à l’occasion de la Fête du Trône semble devenir le point de départ d’une nouvelle politique sociale. «Notre aspiration prioritaire est d’assurer la protection sociale à tous les Marocains. Et Notre détermination est qu’à terme Nous puissions en faire bénéficier toutes les franges de la société», a dit SM le Roi, affirmant que «le moment est venu de lancer, au cours des cinq prochaines années, le processus de généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains».
Des dates ont même été dévoilées par le discours royal concernant la concrétisation de nouveau plan de protection sociale. «Nous préconisons le déploiement progressif de cette opération à partir du mois de janvier 2021, selon un programme d’action précis. Celui-ci devra porter, en premier lieu, sur la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et des allocations familiales. Il sera ensuite étendu aux autres couvertures sociales que sont la retraite et l’indemnité pour perte d’emploi», a indique SM le Roi.
Professions libérales
C’est en 2017 que le projet de loi 98-15 relatif à l’AMO pour les travailleurs indépendants et les personnes non-salariées exerçant une profession libérale a été approuvé par le Parlement.
Ce texte institue une couverture médicale, notamment pour les professionnels de santé ainsi que les personnes exerçant une activité dans le commerce, l’agriculture, le transport ou l’artisanat. Les personnes exerçant dans le privé une activité génératrice de revenus et ne disposant pas d’autres couvertures peuvent également bénéficier de cette couverture médicale.
C’est la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui se chargera de la gestion de ce régime obligatoire. L’article 17 du texte stipule toutefois qu’un conseil d’administration est créé pour gérer ce nouveau service. Ce conseil est composé de 18 membres et se réunit deux fois par an dans le but d’examiner la liste des nouveaux adhérents et adopter le budget de chaque exercice annuel.